Qu’est-ce que la biologie de synthèse ?
“La biologie de synthèse, ou biologie synthétique, est un domaine scientifique et biotechnologique émergeant qui combine biologie et principes d'ingénierie, dans le but de concevoir et construire de nouveaux systèmes et fonctions biologiques” nous répondrait gentiment notre encyclopédie favorite. En effet, un point clé de la biologie de synthèse est la notion de fabrication. Initialement, une des idées de la biologie de synthèse était d’accéder à la connaissance par le faire. Aujourd’hui son but est principalement de répondre à des besoins par la transformation voire la fabrication d’organismes vivants. Synonyme de “synthèse de vie artificielle”, elle véhicule une idée d’amélioration du vivant. Cependant, la biologie de synthèse comme synthèse du vivant donne une représentation réductionniste de la vie, qui est loin d’être synthétisée ni même comprise dans toute sa complexité. Il est en effet impossible à l’heure actuelle de créer une cellule ex nihilo, c’est-à-dire de toute pièce, à partir de rien.
“La biologie de synthèse, ou biologie synthétique, est un domaine scientifique et biotechnologique émergeant qui combine biologie et principes d'ingénierie, dans le but de concevoir et construire de nouveaux systèmes et fonctions biologiques”
Construire le vivant reste effectivement un grand défi à relever, cependant comment définir le vivant ? Selon la NASA, est vivant ce qui a un métabolisme (ie qui possède une certaine autonomie en terme de nutrition) + une capacité d’auto-réplication + une hérédité (ie qui est capable d’avoir des “descendants”) + une capacité à évoluer (petit coucou à notre ami Darwin).
Pour faire une chronologie rapide de la biologie de synthèse : en 2002 le virus de la variole est entièrement synthétisé en laboratoire et en 2007 le premier génome humain. Cette démocratisation de la biologie synthétique a été permise par une chute drastique des coûts de synthèse d’ADN : entre 0,10€ et 0,20€ la paire de base.

Mais alors que sont les OGM dans tout ça ?!
Les OGM, Organismes Génétiquement Modifiés, font de temps à autre la une des journaux, car à l’origine de nombreux scandales. Mais qu’est ce qu’un OGM ? D’un point de vue biologique, rien de bien compliqué : il suffit de modifier l’ADN, c’est à dire la séquence génétique d’un organisme et celui-ci est alors qualifié d’OGM. Des manipulations à la portée d’à peu près n’importe qui. Qu’en est-il de leur dangerosité ? Faut-il s’en méfier comme de la peste (ou du corona virus pour un exemple plus actuel) ? “Evidemment” répondront certains, “ça dépend” diront d’autres. Difficile d’y voir clair, parce que tout simplement la réponse n’est pas si évidente. Les situations sont à chaque fois bien plus complexes qu’on ne le pense, il est donc important de toujours bien se renseigner, de prendre en compte les différents acteurs et leurs intérêts avant d’émettre un avis tranché (comme pour de nombreux sujets finalement).
Cet article vous donnera quelques clés pour mieux comprendre ce que l’utilisation d’OGM implique, il ne prendra nullement parti pour ou contre leur usage.
Une des questions majeures soulevées par l’utilisation d’OGM dans l’agriculture est l’aspect “cancérigène”, ils sont souvent étiquetés comme nocifs pour la santé. Des études variées prouvent un peu tout et son contraire. Le problème est le manque de recul pour en juger. Par ailleurs, l'utilisation d’OGM étant notamment faite pour éviter l’emploi massif de produits phytosanitaires (pesticides, herbicides..) dont il n’est pas dit que leurs effets soient pires que ceux des produits utilisés actuellement dans l’agriculture.
En ne prenant pas un point de vue anthropocentré, un problème majeur de l’utilisation des OGM est la dispersion des gènes ayant été introduits au sein de ces derniers. Ceux-ci vont être transportés par le pollen par exemple. Ces gènes sont par ailleurs brevetés, quelques entreprises se retrouvent donc avec le monopole pour certaines semences. L’usage d’OGM pose donc la question de la perte de biodiversité.
Faut-il se méfier d’absolument tous les OGM ?
Si l'usage agricole est l'utilisation des OGM la plus connue du grand public, elle est très loin d’être la seule. La production d’organismes modèles OGM est par exemple massivement utilisée en recherche. Des souris peuvent être génétiquement modifiées pour modéliser des pathologies humaines comme des cancers. Les techniques de suractivation ou d’inactivation d’un gène permettent ainsi de tester directement le rôle de ce gène. Ces modèles animaux ou cellulaires sont aujourd’hui indispensables en biologie fondamentale comme dans les essais précliniques pour le développement de médicaments.
Les OGM sont également utilisés pour la production de molécules thérapeutiques innovantes comme par exemple des anticorps humanisés qui servent aux traitements de nombreuses maladies comme des cancers, ou de la DMLA (dégénérescence maculaire liées à l'âge). De nombreuses bactéries ou levures modifiées jouent ainsi un rôle d’usines de production de nombreuses molécules d'intérêt comme certaines insulines recombinantes utilisées pour le traitement les diabètes.
Tous les organismes produits par la biologie synthétique sont par essence des OGM. Doit-on pour autant rejeter en bloc toutes les possibles avancées promises par la biologie synthétique ou au contraire essayer de les développer ? La biologie synthétique fournit des pistes pour résoudre de nombreux problèmes auxquels l’humanité fait face. Elle peut être utilisée par exemple pour produire des biocarburants et ainsi nous libérer de notre dépendance aux énergies fossiles, elle pourrait également nous permettre de lutter contre la pollution (notre projet en est un exemple - si vous ne le connaissez pas courez vous renseigner dans l’édition précédente !).
Notre équipe iGEM Sorbonne est persuadée qu’un usage éthique et raisonnée de la biologie synthétique sera bénéfique pour le futur de l’humanité et de notre planète. Le prérequis important étant de définir un cadre scientifique, éthique et législatif dans lesquels la biologie synthétique pourra être utilisée sans risques. Toutes les espèces vivantes ne pourront évidemment pas éthiquement être modifiées. Les organismes modifiés devront impérativement être isolés des écosystèmes ou les rendre incapables de survivre dans la nature, afin d’éviter leur propagation.
Article paru dans Je Science donc J'écris n°22 - Juin 2020