D’après une étude récente de l’université hébraïque de Jérusalem, entre 1973 et 2011, de manière impressionnante, on constate une baisse de 60% du taux de spermatozoïdes des hommes nord-américains, européens, australiens et néo-zélandais. Comment expliquer cette baisse ?
Étude de l’influence des perturbateurs endocriniens sur les têtards et grenouilles
Chez l'humain, il n'est pas simple de prouver l'effet des perturbateurs endocriniens. A Berlin , le Professeur Werner Kloas et son équipe de l’institut Leibniz d'écologie aquatique travaille sur l'impact des perturbateurs endocriniens sur les têtards et les grenouilles . L’avantage de ces animaux est qu’ils réagissent fortement à l’environnement hormonal. Ils sont très sensibles à l’apport de perturbateurs endocriniens. En 2019, le Professeur Werner Kloas a montré que l’injection d’œstrogène à l'intérieur des testicules de grenouille adulte transforme les testicules en ovaires. Nous sommes en présence d’une féminisation de l’organe reproducteur. La quantité de spermatozoïdes produits par ces grenouilles chutent systématiquement par rapport au groupe témoin. Ce type d’expérience montre les conséquences des perturbateurs endocriniens sur les appareils reproducteurs mâles et leur potentielle contribution à la baisse de la fertilité masculine.
La genèse des spermatozoïdes
Précédemment, dans l’article « l’infertilité immunologique » (N°15 – Novembre 2019 ), je vous avais décrit le voyage périlleux du spermatozoïde (cellules sexuelles de l’homme produits par les testicules) pour atteindre l’ovule. Lors de l’éjaculation, deux à six millilitres de sperme (liquide opaque blanchâtre) soit 40 à 600 millions de spermatozoïdes sont déposés au fond du vagin en l’absence de protection physique. Mais un seul spermatozoïde sera le vainqueur. Ainsi, pour concevoir un enfant, un seul spermatozoïde de bonne qualité est suffisant. Mais quel est le processus de fabrication d’un spermatozoïde ? Ce processus qui permet la production de spermatozoïdes est nommé la spermatogenèse. A la différence des femmes, les hommes possèdent des cellules souches appelés spermatogonies, précurseur des spermatozoïdes. Ces cellules sont capables de se multiplier en redonnant de nouvelles spermatogonies. C’est un stock de cellules qui ne s’épuise pas. A partir de la puberté, la division des spermatogonies donne deux cellules : une nouvelle spermatogonie et une autre cellule appelée spermatocyte, qui va évoluer en plusieurs étapes pour donner un spermatozoïde mature c’est à dire un spermatozoïde capable de féconder une ovule.
Les perturbateurs endocriniens influencent négativement la production de spermatozoïdes
Des chercheurs ont mis en évidence un lien entre la baisse du nombre de spermatozoïdes présents dans le sperme et les troubles hormonaux. Les principaux suspects sont les perturbateurs endocriniens qui agissent souvent comme les œstrogènes, hormones féminines. L’exposition à des produits chimiques comme le bisphénol A (dont on pense qu’il pourrait jouer sur la fécondité) peut avoir des effets négatifs, y compris chez l’adulte.
Au cours des 5 premières semaines de la vie du fœtus, les organes sexuels apparaissent dans la région du rein. A ce stade, il n’est pas possible de dire encore s’il s’agit de futurs testicules ou ovaires. Les testicules se développent à partir de la 7ème semaine, si l’embryon est de sexe masculin c’est à dire si sa formule chromosomique est de type XY. Le chromosome Y porte un interrupteur , le gène SRY. Ce gène permet le développement de l’organe sexuel, jusqu’ici indifférencié, vers la formation d’un testicule. Cette transformation va s’accompagner d’une double sécrétion hormonale : la testostérone, qui va agir sur la transformation du tractus génital masculin et sur les organes génitaux externes, et l’hormone antimüllérienne, qui va empêcher le développement de tous les organes génitaux féminins. En résumé, par défaut, le corps s’oriente vers la formation d’organes sexuels féminins. Afin de former des organes sexuels masculins, le gène SRY présents sur le chromosome Y doit s’activer.
Au cours de cette période cruciale, la testostérone assure la maturation des cellules souches, les spermatogonies présentés au-dessus. Si au cours de cette période, la mère absorbe trop de substances chimiques proche des œstrogènes (les perturbateurs endocriniens) dans son organisme, des conséquences sont possibles sur le développement des spermatogonies. En effet, les perturbateurs endocriniens engendrent un arrêt du développement des spermatogonies qui ne seront plus capable de produire des spermatozoïdes.
En savoir plus
Hagai Levine et al. Temporal trends in sperm count: a systematic review and meta-regression analysis, Human Reproduction Update (2017), Oxford academic
Rozenblut-Kościsty et al (2019). Impacts of the synthetic androgen Trenbolone on gonad differentiation and development - comparisons between three deeply diverged anuran families. Scientific reports.
Article paru dans Je Science donc J'écris n°21 - Mai 2020