Le pont représente le trait d’union stable au-dessus d’une étendue infranchissable. Il permet le commerce, le lien. Malheureusement, le trafic intense et les aléas de l’environnement du pont fragilisent la structure. Si elles ne sont pas mesurées à temps, ces faiblesses ont parfois des conséquences tragiques. Ainsi, le 14 août 2018 s’effondre le pont Morandi à Gênes (Italie).
Le hauban d’Achille
L’enquête menée sur les raisons de la rupture questionne jusqu’aux choix architecturaux de Riccardo Morandi, le concepteur de l’ouvrage mis en service en 1967. En effet, la structure fait partie d’une famille de ponts dits à haubans. Il s’agit de supporter le tablier (c’est-à-dire la route) grâce à des câbles ou des barres appelés haubans, fixés à des pylônes verticaux répartis régulièrement au fil de la route. Par exemple, le viaduc de Millau est le pont le plus long de cette famille - et conçu pour résister à la perte de trois haubans successifs.
Alors que les ouvrages à haubans actuels privilégient l’abondance de câbles en acier, le pont Morandi n’en comportait qu’un faible nombre, protégés par des gaines en béton. Justement, ce-dernier élément aurait compliqué la maintenance et la détection des faiblesses des câbles. La rupture de l’un d’eux aurait tragiquement entraîné l’effondrement de la structure.
Une reconstruction éclair
Seulement deux ans après le drame, la ville de Gênes est en mesure d’inaugurer un nouveau pont . Ce délai de livraison très court (la construction n’a nécessité qu’une quinzaine de mois) est une véritable prouesse du génie civil. Par ailleurs, le confinement n’a pas eu de conséquence majeure sur le chantier, car les travaux ont pu être poursuivis pendant la période, alors que le reste du pays était presque à l’arrêt.
La technologie au service de la sécurité
L’architecte responsable du nouveau pont - Renzo Piano, ayant également dessiné le Centre Pompidou à Paris - a vraisemblablement abandonné les haubans, pour édifier une structure plus épurée et plus légère, reposant sur dix-huit solides piliers en béton. Les tests de sécurité se sont enchaînés jusqu’à l’inauguration et le système d’entretien est entièrement robotisé, permettant une surveillance permanente. En particulier, la corrosion causée par le sel - la ville est en bord de mer - étant le principal facteur d’endommagement, il est muni de déshumidificateurs.
Néanmoins, l’aspect visuel n’est pas en reste. De fait, la silhouette du pont est un clin d’oeil à l’histoire maritime de Gênes et quarante trois antennes lumineuses sont érigées en hommages aux personnes mortes lors de l’effondrement du précédent ouvrage.
En savoir plus
Catherine Pacary - “La tragédie du pont de Gênes” : retour sur une catastrophe - Le Monde, août 2019
Site du Viaduc de Millau - www.leviaducdemillau.com
Vincent Nouyrigat - Le jour où le pont Morandi s’est effondré à Gênes - Sciences & Vie, août 2018
Grégoire Allix - Gênes : “Si un seul morceau lâche, tout le pont tombe” - Le Monde, août 2018
Vidéo de l’inauguration du nouveau pont de Gênes deux ans après l’effondrement meurtrier - Le Parisien, août 2020
Jérôme Gautheret - Le pont de Gênes, un chantier au pas de course - Le Monde, Février 2020
Article paru dans Je Science donc J'écris n°24 - Janvier 2021