Dans le droit français, des lois sont destinées à garantir l’égalité économique entre les genres. Malgré cela, les écarts de richesses s’accentuent en passant de 9% à 16% entre 1998 et 2015 en faveur des hommes.
Les deux sociologues Céline Bessière et Sibylle Gollac ont signé un ouvrage intitulé Le genre du capital paru en février 2020 aux éditions La Découverte. Elles reviennent sur des notions fondamentales telles que le travail domestique, les inégalités de revenus, les pensions alimentaires et l’héritage pour mettre en évidence les pratiques qui entretiennent ces inégalités.
Le foyer comme moyen d’absorber les inégalités de capital
Le travail domestique - éducation d’enfants ou entretien d’un logement - n’est pas valorisé au même titre qu’un emploi rémunéré, bien qu’il soit indispensable. Il constituerait d’ailleurs 33% du PIB français, alors qu’il ne permet pas d’accumuler de richesse individuelle - car ce sont des tâches effectuées gratuitement.
La répartition de ce travail domestique est déséquilibrée entre les genres. En prenant en compte le travail domestique ainsi que l’activité salariée dans le temps de travail global : en moyenne, au sein d’un foyer hétérosexuel, le travail domestique représenterait deux tiers du temps de travail global des femmes (souvent contraintes à n’être employées qu’à temps partiel) contre un tiers du temps de travail global des hommes (qui occupent un travail rémunéré à temps plein).
Si les inégalités de revenus sont absorbées par la vie en ménage (partage des dépenses, mise en commun des salaires), elles impactent brutalement les modes de vies lorsque le foyer éclate. En effet un an après un divorce hétérosexuel, le niveau de vie des femmes baisse en moyenne de 19% contre 2% pour les hommes, d’après cette enquête de l’INSEE sur le “Revers de la Spécialisation conjugale”.
Comment acquérir du patrimoine ?
En France, on peut acquérir du patrimoine en épargnant une partie de ses revenus ou en héritant. Les procédures d’héritage sont impactées par des méthodes qui favorisent l’accumulation de richesse par les hommes.
En réalité, certaines familles au capital conséquent décident de la répartition des biens avec pour objectif de préserver le patrimoine masculin. Ainsi, les chercheuses ont observé que les biens structurants (entreprises, actions, biens immobiliers) sont transmis de manière plus probable aux garçons, alors que les filles reçoivent une compensation en argent. Cette répartition n'est pas équivalente en pratique.
Un chantier éducatif et social
Outre une éducation aux travaux domestiques - qui ne doivent pas peser sur un genre seulement, les sociologues appellent à ne pas se désintéresser des questions économiques. Au sein d’un foyer le partage financier pourrait être comptabilisé différemment, en égalisant les épargnes plutôt que les dépenses par exemple ou bien en valorisant le travail domestique autant que l’apport d’argent.
En savoir plus
Chronologie des dispositions en faveur de l’égalité femmes-hommes - Site du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, dossier “actions et dispositifs interministériels”
Inequalities and the individualization of wealth, Nicolas Frémeaux et Marion Leturcq - Sciences Direct
Index du livre Le genre du capital de Céline BESSIERE et Sibylle GOLLAC sur le site des éditions la découverte
Etude “Le travail domestique : 60 milliards d’heures en 2010” - site de l’INSEE
Tableaux de l’enquête “Le travail domestique en 2010” - site de l’INSEE
Article paru dans Je Science donc J'écris n°24 - Janvier 2021